Moti – WHSH

Moti – WHSH

Moti est un rappeur membre du label Planetarium Records aux côtés des artistes June, JinWoo, Gaho, Kei.G et Villain. Ensemble ils ont déjà produit les albums PLANETARIUM CASE#1 et PLANETARIUM CASE#2 mais aussi les M/V HOCUS POCUS et IGOHOLIC par exemple.

Et s’il y a une chose de certaine, c’est qu’il est difficile de ne pas être intrigué.e par cette énergie que le rappeur délivre. Moti dégage un certain charisme, un rap plutôt brut/pur, sans enjolivures, on est très vite saisi.e à l’écoute de ses vers.  

Néanmoins, malgré son double single BLUE WAVE ou ses apparitions dans les productions du label et des membres, il était plutôt dur de prendre du recul sur le rappeur, son univers, ses caractéristiques.

L’EP WHSH sorti le 12 février dernier permet cependant de mettre un terme à cela, et d’une très belle manière, confirmant le potentiel de l’artiste.

Le projet ne compte certes « que » 5 morceaux, mais tous sont purement et simplement excellents, et si ce critère porte effectivement une part de subjectivité, personne ne pourra nier l’ingéniosité dans le travail de la rythmique qui porte ce projet. Comment Moti tire profit de ses instrumentales pour livrer son message, mettre en valeur son rap.

Track List

 

Un projet d’une grande ingéniosité rythmique

Le projet en lui-même est très cohérent, vraisemblablement plutôt intimiste. Moti fait globalement part de sa volonté de réussite, réussir tout en restant humble, en accord avec qui il est, mais aussi et surtout sa détermination sans faille pour y parvenir ce qui est littéralement retranscrit dans le titre de l’EP, WHSH pour ‘Work Hard Stay Humble’, soit en français, ‘travaille dur, reste humble’.

L’ensemble est teinté de sonorité jazz, groovy, pop même parfois, avec des BPM (Battement par minute – la vitesse du morceau, de la rythmique, l’espace entre les temps en quelque sorte) compris entre 100 pour FREE THE MIND la plus lente et 165 pour WORK N REST la plus rapide.

165 est plutôt un tempo rapide par rapport à ce que l’on entend couramment, à titre de comparaison, selon Wikipédia on serait plus à 90-100 bpm dans le rap en moyenne, dans la Trap on est à 140bpm. IGOHOLIC est plus vers 118bpm par exemple, Hocus Pocus vers 90bpm et Manitto de Villain vers 123bpm.

Vous êtes peut être en train de vous demander quel est l’intérêt d’une telle information ? Outre le fait que c’est plutôt une performance de rapper sur un bpm de 165, ce qui est plutôt amusant avec WORK N REST ou même KNOW qui est quand même à 140 bpm, c’est justement que l’on ne se rend pas forcément immédiatement compte de la vitesse du tempo. Deux facteurs majeurs peuvent expliquer cela. L’aisance de Moti, la fluidité de son rap, le fait qu’il gère vraisemblablement bien ses respirations mais aussi et surtout la légèreté des instrumentales qui est une caractéristique commune à l’ensemble des morceaux du projet. Cette légèreté est en partie induite par l’utilisation de sample de « vrais » instruments, soit une batterie omniprésente et parfois des lignes de basse ou de guitare électrique, un piano ou un synthé. On ne retrouve pas les basses profondes propres à la Trap sur cet EP par exemple.

Et plus généralement, le travail de la rythmique sur chaque morceau est effectivement très judicieux et méritait donc que l’on y consacre une analyse plus détaillée.

 

KNOW

KNOW est surement l’un des morceaux à l’influence jazz la plus marquée. Cette influence est notamment apportée par le jeu très léger sur les futs, le batteur a un jeu très souple apportant donc cette impression de rebond que peut avoir l’instrumentale, et dans un même esprit il ne fait que très légèrement résonner la cymbale ride. Les effets de craquements sonores, le piano et le synthé à la sonorité très rétro ou même la légère ligne de contrebasse en fond (lorsque l’on écoute avec un casque ou des écouteurs) contribuent également à cette ambiance jazz.

Mais outre cela, KNOW est aussi un morceau très visuel, il y a un vrai effet dramatique derrière la chanson qui semble évoquer une certaine folie face à la routine, une lassitude peut être comme le laisserait entrevoir le refrain qui ouvre le tout.

“I know I know, You know You know, May be, I never know, You never know, I’m gonna know, You’re gonna know, May be I know, probably you know“

KNOW est en effet construit sur une rythmique de fond très entêtante, qui rappellerait presque une valse puisque le 4e temps des mesures est silencieux (une valse comporte généralement 3 temps). Et à la fois l’ambiance est très progressive, le morceau gagnant progressivement en intensité.

Grossièrement, on pourrait couper le morceau en trois parties.

Une première progression du début du morceau à 1.18min, avec Moti qui intensifie son rap à partir de 0.50 mais un ensemble globalement classique.

C’est à partir de 1.18min que KNOW prend une tournure surprenante. On conserve cette rythmique plutôt joyeuse et sautillante, mais plutôt que de simplement réentendre le refrain, cette fois on peut entendre une sorte d’écho sur sa voix déjà, un écho plus agité, mais surtout des cris plutôt stridents en fond évoquant sans équivoque le registre de la folie. Il y a donc un véritable décalage entre l’instrumentale et les cris, comme une folie qui s’affranchirait d’un cadre qu’on lui imposerait, de la prison des apparences communément admises, ou alors une certaine conflictualité intérieure.

Les frontières entre la 2nd et la 3e partie sont plus floues, à partir de 1.30 le refrain est teinté d’autotune qui apporte une certaine dimension irréelle tandis que les cris ne cessent de s’intensifier puis à partir de 1.44 il ne reste plus que des chuchotements répétitifs que l’on pourrait qualifier de frénétiques, accompagnés de fortes expirations, puis, brusquement, le silence !

 

Vous l’aurez compris, KNOW à elle-même est impressionnante, et cela tombe bien car WORK N REST est tout autant réfléchie.

 

WORK N REST

Comme dit précédemment, c’est le morceau le plus rapide de l’EP, mais peut être aussi le plus cyclique.

On retrouve une batterie plus marquée, notamment le 3e temps qui est souvent appuyé par la caisse claire ou encore les progressions sur les toms qui marquent par exemple les débuts et fins de refrain.

Si l’on peut qualifier ce morceau de cyclique c’est encore une fois du fait du travail de la rythmique.

Ici Moti semble vouloir évoquer le caractère cyclique de ses journées, qui se résumeraient donc au travail et au repos. Et de fait, c’est comme si ces phases travail/repos se retranscrivaient dans la rythmique.

Du commencement à 0.58 on aurait par exemple une phase travail, la rythmique est plus effrénée car tant les temps que les contretemps sont marqués. Vient ensuite la première partie du refrain à 0.58 où là, seuls les temps sont marqués, puis le refrain se répète à 1.09 et de nouveau on marque temps et contre temps, puis il prend fin à 1.20 et on repart sur une phase repos et ainsi de suite.   

Ce n’est qu’à partir de 2.32 qu’il y a une première rupture de ce cycle même si on reste sur une structure progressive, puis une seconde à 3.18 dans cette même lignée.

Et la force de Moti c’est clairement d’adapter son rap à tous ces changements, WORK N REST est pour Moti l’occasion de montrer une facette de sa technique.

 

GO

GO en featuring avec June qui compte également une adaptation en M/V est peut-être plus conventionnelle dans sa structure mais n’en est pas moins intéressante. On est sur un morceau très frais, très groovy, jazzy et dynamique teinté d’une certaine vibe nocturne notamment grâce au synthé ou la ligne de guitare électrique un peu blues sur la fin.

Moti semble toujours faire part de sa détermination, sa volonté de se dépasser et d’atteindre ses objectifs et est soutenu par le grain de June qui renforce d’autant plus l’aspect groovy du morceau.

Si GO est aussi entrainante, l’osmose entre les deux artistes n’y est surement pas pour rien !

 

FREE THE MIND

Avec son tempo à 100 bpm, FREE THE MIND est plus narrative. Elle s’ouvre sur une rythmique marquée au charlestone fermé, donc un son très cuivré puis l’instrumentale se construit progressivement avec encore une fois un 3e temps particulièrement marqué. Si les couplets sont plutôt épurés et répétitifs, les refrains eux profitent de plus de « musicalité », on retrouve des notes plus jazzy/groovy/RnB clairement renforcées par la participation de Villain qui s’illustre aussi bien en Rap qu’en RnB avec une aisance déconcertante, notamment sur la ligne de basse à 1.44 !

 

HUMBLE

HUMBLE est probablement le morceau le plus Laid-Back de WHSH, c’est-à-dire entêtant, avec des temps très marqués, un rythmique lourde. La ligne de Guitare/Basse apporte encore une fois un côté jazz nocturne et le tout renforce cet aspect mantra qui semble être derrière le concept d’HUMBLE

“Papa always worry bout me ‘son you better be humble’, So I chase it more than Money Yeah I Rather Struggle“

“Mon père s’est toujours soucié de moi ‘Mon fils tu as intérêt à être humble’, donc j’ai poursuivi ce but plus que l’argent, oui ce ne fut pas sans difficultés“

Moti conclut WHSH sur ce précepte de vie, rester humble en toute circonstance, un précepte qu’il se répète constamment ou du moins, c’est ce que l’instrumentale semble retransmettre.

 

Aussi, WHSH est un excellent projet tant d’un point de vue Rap que dans la recherche des productions. Les instrumentales servent totalement le message de Moti, comme s’ils étaient en dialogue presque, le rappeur fait preuve d’une grande flexibilité et s’illustre surtout par une grande sensibilité musicale, hâte d’en entendre plus !

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